
Avec une superficie de 242 000 km² et une population relativement faible, la République du Congo semble avoir toutes les cartes en main pour assurer un minimum de salubrité dans ses principales villes, Brazzaville et Pointe-Noire. Pourtant, malgré la création d’un ministère en charge de l’assainissement et la mise en place d’une direction spécialisée, l’insalubrité persiste. Pourquoi ce paradoxe dans un pays aux moyens humains disponibles et à la taille modeste ?
Une volonté politique qui peine à se traduire sur le terrain
Les discours politiques annoncent des intentions louables. La salubrité est citée comme priorité, des institutions sont créées, des budgets seront aussi probablement annoncés. Mais sur le terrain, les résultats sont maigres. Il existe un véritable écart entre les annonces et l’action. Le manque de suivi, l’absence de mécanismes d’évaluation, et la faiblesse des sanctions face à l’inaction fragilisent tout le processus.
Une coordination institutionnelle chaotique
La gestion de la salubrité nécessite une action collective, structurée et coordonnée entre plusieurs services : mairies, ministères, directions techniques, sociétés de ramassage, ONG, communautés locales. Or, au Congo, cette coordination fait défaut. On observe des chevauchements de rôles et surtout un manque cruel de planification stratégique à long terme.
La main-d’œuvre locale marginalisée
Le pays ne manque pas de jeunes capables, ni de techniciens formés ou formables. Mais les métiers liés à la propreté urbaine sont dévalorisés, mal rémunérés, voire méprisés. Les agents chargés du balayage, du curage ou du ramassage sont souvent livrés à eux-mêmes, sans véritable politique de motivation ni de renforcement de capacités. Dans certains cas, les recrutements ne se font pas sur la base du mérite, mais de l’affiliation.

Une gouvernance minée par les intérêts particuliers
Au lieu de servir l’intérêt public, la gestion de la salubrité devient parfois un instrument politique. Des marchés publics sont attribués à des structures sans expertise, parfois même fictives, dans une logique clientéliste. Cette forme de corruption systémique freine toute possibilité de réforme profonde et durable. Le manque de transparence et l’impunité deviennent alors les plus grands obstacles à la transformation.
Une population peu impliquée et insuffisamment sensibilisée
La réussite de toute politique de salubrité repose aussi sur la responsabilité citoyenne. Mais lorsque les populations ne sont ni sensibilisées ni impliquées, l’effet est inverse : dépôts sauvages d’ordures, refus de payer les taxes de propreté, incivisme généralisé. Les campagnes de sensibilisation sont rares, mal ciblées, et souvent ponctuelles, sans stratégie d’ancrage durable.
Ce qui manque vraiment au Congo, ce n’est pas un ministère, mais une révolution de la gouvernance
Le Congo ne manque pas de structures ni d’agents. Il lui manque une gouvernance plus courageuse, orientée vers les résultats et fondée sur l’intégrité. Il lui faut des politiques publiques cohérentes, rigoureuses, centrées sur le bien commun. Il lui faut aussi des citoyens responsabilisés, éduqués à l’écologie urbaine, et une élite politique prête à faire passer l’intérêt collectif avant les intérêts partisans.
Un pays ne se développe pas seulement par les discours, mais par sa capacité à faire appliquer ce qu’il décide, à valoriser ses ressources internes et à impliquer sa population. C’est là que commence l’indépendance véritable.
Juslie Lebongui