
Il avait promis la peine de mort aux détourneurs de fonds publics. Ironie du sort : Constant Mutamba, ministre congolais de la Justice, pourrait bien être jugé pour les mêmes faits qu’il dénonçait: retour sur son parcours.
Constant Mutamba n’est pas un inconnu dans l’arène politique congolaise. Né le 24 avril 1988 à Luputa, dans la province de Lomami, il fait ses premières armes à Kisangani, où il grandit et décroche son diplôme d’État au Collège Maele du Sacré-Cœur en 2008. Très tôt, il montre un goût pour le militantisme, en fondant l’ALT, une association de lutte contre la tricherie scolaire.
Un parcours sans faute… jusqu’à la chute ?
Brillant, Mutamba poursuit ses études à Kinshasa à l’Université Protestante au Congo (UPC), où il s’impose comme leader étudiant. En 2011, il devient président des étudiants de l’UPC et premier vice-président des étudiants de la République. Diplômé en droit public, il part ensuite en Belgique, à l’université de Liège, où il décroche un master en gestion et droit de l’entreprise.
Son ascension politique s’accélère en 2013 : nommé assistant du gouverneur de l’ex-Province Orientale, il lance l’année suivante un mouvement citoyen, la NOGEC, qui deviendra une plateforme politique en 2018. Proche de Joseph Kabila à l’époque, il intègre le Front commun pour le Congo (FCC) et devient même l’un des hommes de confiance consultés pour le choix du dauphin présidentiel.
Le virage DYPRO
Mais en 2021, Mutamba rompt avec Kabila. Il fonde la Dynamique Progressiste Révolutionnaire (DYPRO), un parti d’opposition qui le propulse sur le devant de la scène. En 2023, il se présente à la présidentielle, devenant à 35 ans le plus jeune candidat du scrutin. Battu par Félix Tshisekedi, il est tout de même élu député national.

Contre toute attente, ce farouche opposant entre au gouvernement fin mai 2024, en tant que ministre de la Justice. Il y promet des réformes audacieuses, notamment la lutte contre la corruption et la désengorgement des prisons. Il ose même évoquer le rétablissement de la peine de mort pour les prédateurs des finances publiques.
De justicier à suspect n°1
Le choc est brutal. Accusé de détournement présumé de 19 millions de dollars destinés à la construction d’une prison à Kisangani, Constant Mutamba est désormais dans le viseur de la justice qu’il supervisait. Déjà démissionnaire, il pourrait bientôt comparaître devant les tribunaux. S’il est reconnu coupable, il encourt entre 15 et 20 ans de servitude pénale.
Une chute vertigineuse pour celui qui, hier encore, se voulait le symbole d’un renouveau judiciaire. La RDC assiste, médusée, à cette ironie tragique : le ministre de la Justice sera jugé pour injustice.
Une lettre empreinte de fermeté
Le désormais ex-ministre de la Justice quitte ses fonctions, le cœur lourd mais l’esprit convaincu d’avoir servi avec droiture. Mis en cause dans une affaire de détournement présumé de 19 millions de dollars destinés à la construction d’une prison à Kisangani, Constant Mutamba a remis sa démission, conformément aux exigences de la Constitution.
Dans sa lettre adressée au président de la République, l’ancien garde des Sceaux dénonce un « sabotage institutionnel » et affirme avoir été « humilié », non pas pour des actes répréhensibles, mais pour avoir défendu ses convictions.
« Je suis aujourd’hui victime de mon intégrité. Ma loyauté envers votre autorité est indéfectible. Je n’ai jamais compromis mes valeurs et je ne le ferai jamais. Je n’ai pris aucun dollar de l’État », a-t-il déclaré dans un ton empreint de fermeté.